C'est ma passion pour les musiques extrêmes, celles qui surprennent, qui dérangent, qui m'a mené à la fin des années 1990 en classe de musique électroacoustique au conservatoire de Clermont-Ferrand. Dans les années 2000, j'ai intégré le trio Perséphone où l'on faisait du Live Electronic. Il s'est formé par la suite la version multimédia du trio : le collectif ODMA, avec danse, vidéo, arts plastiques... J'ai également composé quelques musiques pour des compagnies de danse et de théâtre et, depuis 2020, j'ai cessé toute activité musicale.

Quelques rencontres magiques ont ponctué mon parcours de passionné du son : Christian Zanési au GRM ; Agnès Timmers, à qui je dois beaucoup, qui était l'administratrice du festival des Musiques Démesurées à Clermont-Ferrand ; et bien sûr mon ami vidéaste Michel Coste avec lequel j'ai maintes fois collaboré. Je n'oublie pas non plus Laurent Dolcino du duo ceMeuble, personnage extraordinaire dont je regrette de ne pas avoir pu partager et développer quelques obscurs projets bruitistes. J'ai aussi une pensée pour mon ami Christian Fauré alias Stephen Dedalus, fauché prématurément par la maladie et qui est parti bœufer avec mon pote Lemmy Kilmister, Frank Zappa et Pierre Schaeffer.

Les morceaux qui forment l'album "Parcours" ont été composés à Clermont-Ferrand au (home-)studio de la Source Vive, à l'aide d'un huit pistes numérique, quelques micros, un laptop (Cubase, Ableton Live, Reaktor), deux synthétiseurs analogiques (merci Moog), un Thérémine, et quelques appareils et pédales multi-effets.

Colonne vertébrale :
C'est un morceau minimaliste tant sur les matériaux utilisés que sur la forme. C'est une accélération de sons ponctuels, disons "d'impacts", passés dans deux delays réglés sur des temps différents. C'est ce qui donne ces déphasages et ces variations dans l'évolution de la musique. Au bout de deux ou trois essais, j'ai enregistré cette séquence sur mon magnétophone huit pistes, je n'avais pas d'ordinateur à l'époque. Quelques sons ont été rajoutés sur les pistes restantes et il m'a fallu un mois pour mixer l'ensemble. Pour cette composition, tout a été très vite.

Un brin d'espace :
Je me suis inspiré d'un extrait du "Tropique du Capricorne" de Henry Miller, où l'écrivain propose une réflexion sur le thème du parc naturel. À cette époque, j'étudiais les travaux de Pierre Schaeffer mais je me suis heurté très vite à son approche cartésienne et scientifique de la musique. Je me sentais frustré. Je n'arrivais pas à composer. C'est en découvrant l'approche systémique grâce au "Macroscope" de Joël de Rosnay que j'ai pu continuer. Cela m'a libéré. Depuis, j'ai toujours composé en utilisant les outils proposés par la systémique, en considérant la musique comme un système, sans trop me focaliser sur les sons eux-mêmes mais en étant plutôt soucieux des relations entre eux et surtout de l'énergie qui circule lors de l'écoute. "Un brin d'espace", composé sur une période de plus de deux ans, en est le résultat.

Hommage à Edgar Varèse :
Dès la fin des années 1990, j'ai écouté beaucoup de musique contemporaine. J'apprécie Karlheinz Stockhausen, Iannis Xenakis, György Ligeti, Steve Reich entre autres, mais Edgar Varèse m'a beaucoup marqué. Voilà pourquoi j'ai voulu lui rendre hommage avec une musique où je me suis permis de puiser des éléments de son univers musical, notamment le "Poème électronique", que je trouve magistral ; tout en essayant de produire des sons qui "sonnent vieux", des sons qui évoquent le temps des premiers enregistrements. J'ai voulu faire une musique à la couleur bruitiste et à l'arôme radiophonique de l'entre-deux guerre ; bref : quelque chose d'ancien.

La course de l'elfe :
Inspiré de souvenirs d'enfance. Quand je passais beaucoup de temps à grimper aux arbres. La pratique du tir à l'arc. C'est un morceau plutôt introspectif que j'ai composé à un moment difficile de ma vie tout en pensant à la musique électroacoustique qui nécessite d'avoir "l'oreille pointue". En un mot : être un elfe...

Fantôme / Ph neutre :
J'ai voulu faire un pied de nez à Pierre Henry après avoir écouté "Variations pour une porte et un soupir". Bien que l'approche conceptuelle soit intéressante, l'écoute de cette œuvre m'avait laissé perplexe. C'est pour cela que j'ai composé plusieurs "Variations pour un soupir" (le "Ph" de "Ph neutre", ce sont les initiales de Pierre Henry). Cette fois-ci, je me suis contraint à ne pas utiliser mes synthétiseurs pour créer des sons, je me suis limité à la prise de son de bruits de bouche : souffles, sifflements, onomatopées, etc. J'ai enregistré tout ce qui me passait par la tête et tout ce que je pouvais produire de sonore avec ma bouche. Sept variations ont été produites, dont "Ph neutre" et "Fantôme".

Le Trialogue :
Ce morceau est une commande pour un spectacle de danse, il a été composé en peu de temps, un peu dans l'urgence.

Éléments :
C'est le fruit d'une des nombreuses collaborations avec mon ami photographe/vidéaste Michel Coste. Cette fois-ci, Michel m'avait demandé de composer quelque chose et il a ensuite créé la vidéo sur la musique.

~ Ludo Carroué, mars 2024